Le crédit immobilier visant l’achat d’un bien à l’étranger : quelles spécificités ?
La souscription d’un crédit immobilier visant l’achat d’un bien à l’étranger est relativement compliquée. La loi applicable aux parties va dicter l’entièreté de l’opération. Qu’elle soit française ou étrangère, elle exigera surement la prise d’une garantie pour s’assurer du remboursement des sommes. Le contrat de prêt peut également comporter un élément d’extranéité.
Le contrat de prêt lui-même et le contrat instituant la sûreté immobilière (si différent) en garantie de la créance qui en découle peuvent être soumis à deux lois différentes (Cass. 1e civ. 19-1-1999 n° 96-17.269). Il en va de même s’agissant du cautionnement (Cass. com. 8-6-2010 n° 08-16.298).
Le régime juridique du prêt est-il spécifique ?
Dans une situation comportant un conflit de lois, le contrat de prêt relève du règlement « Rome I » sur la loi applicable aux obligations contractuelles.
En l’absence de choix des parties, le contrat de prêt doit en principe être régi par la loi du pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a sa résidence habituelle (Règlement Rome I art. 4, 2°).
La mise à disposition des fonds empruntés étant la prestation caractéristique du crédit, ce dernier sera donc soumis à la loi du siège de la banque ou, le cas échéant, à celle du lieu de la succursale auprès de laquelle le contrat a été négocié. Et ce, même si les fonds sont immédiatement transférés en France pour l’achat de l’immeuble.
L’article 6 du règlement Rome I prévoit une protection spécifique lorsque le contrat est conclu entre un professionnel et un consommateur, si ces conditions sont remplies, la loi applicable sera la loi du pays de la résidence habituelle du consommateur. Les parties peuvent également choisir la loi applicable au contrat ; néanmoins ce choix ne pourra pas priver le consommateur de la protection que lui offrent les dispositions impératives de la loi de sa résidence habituelle (il s’agit des dispositions impératives dans l’ordre interne et non seulement des dispositions qui seraient d’ordre public international).
Donc si le droit français
est applicable, celui-ci impose en matière de crédit immobilier certaines restrictions particulières sur la devise d’emprunt. Un emprunteur personne physique, qui est un particulier, ne peut contracter de prêt libellé dans une devise autre que l’euro, remboursable en euros ou dans la devise concernée que s’il déclare sur l’honneur (C. consom. art. L 313-64 et R.313-31) :
– qu’il perçoit plus de la moitié de ses revenus annuels dans la devise d’emprunt ;
– ou qu’il détient, au moment de la signature de ce contrat, un patrimoine, financier ou immobilier, dans cette même devise, au moins égal à 20 % de l’emprunt considéré.
Cette déclaration devra être jointe au contrat de prêt (C. consom. art. R 313-31).
Cette interdiction n’est toutefois pas applicable si le risque de change (dépréciaiton de la monnaie) n’est pas supporté par l’emprunteur. Ce sera le cas si l’emprunteur a souscrit une assurance ou un contrat financier le garantissant contre le risque de change sur toute la durée du contrat (C. consom. art. R 313-31). À l’inverse, le risque de change sera considéré comme étant supporté par l’emprunteur lorsque la variation du taux de change affectera le montant des échéances, la durée du prêt ou le coût total du crédit.
Quelles sont les obligations du prêteur dans cette situation ?
Avant d’émettre l’offre de prêt, et comme le prévoit la loi française au sens du code de la consommation, le prêteur devra informer l’emprunteur des risques inhérents à celui-ci. Les conditions d’octroi du prêt seront communiquées à l’emprunteur dans la fiche d’information standardisée européenne (dont le modèle figure en annexe de l’article R 313-4 du Code de la consommation), laquelle prévoit des rubriques spécifiques pour le prêt en devises.
Quant à la loi applicable à la forme, on se réfère à nouveau au règlement Rome I, qui prévoit en toute logique que quand les parties contractent dans un même pays la forme du contrat est soumise à la loi du lieu de conclusion (Règlement Rome I art. 11, 1°).
Si les parties se trouvent dans des pays différents, il suffit que le contrat respecte les conditions de forme de la loi de l’un de ces pays ou la loi de l’un des pays dans lequel se trouve la résidence habituelle d’une partie (en l’occurence l’emprunteur s’il est considéréc comme un consommateur) ou enfin par celle qui lui est applicable au fond (Règlement Rome I art. 11, 2°).
D’autres particularité peuvent venir mettre à mal l’application du règlement Rome I devant des dispositions de droit européen qui règlent les conflits de lois en matière d’obligations contractuelles de manière différente (art. 23 du même règlement).
C’est le cas en matière de services financiers à distance (contrat de prêt conclu par correspondance ou via internet), où le consommateur résidant dans un État membre de l’Union européenne bénéficie d’une protection supplémentaire (C. consom. L 232-4).