La jurisprudence et le devoir de mise en garde du banquier
La jurisprudence et le devoir de mise en garde du banquier
Lors de l’octroi d’un prêt, le banquier est tenu par un devoir de mise en garde qui consiste à avertir l’emprunteur ou la caution du risque de l’opération mise en place.
Le devoir de mise en garde du banquier : une consécration jurisprudentielle
Lorsque le créancier, en l’occurrence le banquier décide d’accorder un prêt à son débiteur, c’est qu’il a confiance dans la solvabilité de ce dernier. C’est en ce sens que doit être compris le mot crédit : « croire que l’emprunteur remboursera la somme prêtée par le créancier ». Dès lors la somme d’argent empruntée est appelée crédit et doit être restituée suivant les différentes conditions mentionnées dans le contrat de prêt. Toutefois, la jurisprudence a consacré un devoir de mise en garde du prêteur (le banquier) qui consent un crédit à un emprunteur notamment en cas de risque d’endettement.
Cette consécration date l’arrêt de la Chambre civile de la Cour de cassation du 29 juin 2007 n° 05-21.104. Elle s’inscrit dans un souci d’assurer une meilleure protection des emprunteurs contre les différents risques liés à l’octroi de crédits, comme le risque d’endettement. Concrètement ce devoir de mise en garde de vérifier l’aptitude des clients à rembourser le crédit par rapport à leur capacité de remboursement au moment de la souscription. Toutefois, notons que cette obligation se limite à l’emprunteur profane ou non averti en matière bancaire.
Une obligation vis-à-vis des emprunteurs non avertis
Celui ou celle qui par sa formation, son expérience professionnelle et ses compétences est apte à évaluer les risques propres à la garantie peut être considéré(e) comme étant averti(e). Il en est de même lorsque l’emprunteur professionnel dans son domaine d’activité n’est pas un habitué des opérations bancaires. Ainsi par exemple dans son arrêt en date du 29 juin 2007 (Cass. Ch. mixte, 29 juin 2007, no 06-11673), la Cour de cassation censure la décision de la Cour d’appel qui dans le cadre d’un prêt souscrit par deux personnes, ne précise pas si chacun des coemprunteurs a la qualité d’emprunteur non averti, et, dans l’affirmative, si conformément au devoir de mise en garde auquel est tenue la banque à l’égard de celui-ci lors de la conclusion du contrat, celle-ci justifiait avoir satisfait à cette obligation à raison des capacités financières de l’emprunteur et des risques de l’endettement né de l’octroi des prêts.
Un établissement bancaire a consenti à un agriculteur (monsieur ) plusieurs prêts. Face aux échéances impayées, l’emprunteur décide d’assigner en justice la banque pour manquement à ses obligations. Alors que la Cour d’appel l’a débouté de sa demande au motif que la banque avait accepté les dossiers de crédit après avoir examiné les éléments comptables de son exploitation et l’état de son patrimoine dont il ressortait qu’il était propriétaire d’un cheptel d’une valeur dépassant le montant total des emprunts et qu’il n’était pas démontré que son taux d’endettement n’ai jamais été excessif et que son entreprise n’était pas en situation financière difficile. La Cour de cassation casse et annule cette décision en soulignant qu’en se déterminant ainsi, sans préciser si monsieur était un emprunteur non averti et, dans l’affirmative, si, conformément au devoir de mise en garde auquel elle était tenue à son égard lors de la conclusion du contrat, la caisse justifiait avoir satisfait à cette obligation à raison des capacités financières de l’emprunteur et des risques de l’endettement né de l’octroi des prêts, la cour d’appel a privé sa décision de base légale (Cass. Chambre mixte, 29 juin 2007, no 05-21104). Ce deuxième arrêt de la Cour de cassation rejoint la précédente en mettant l’accent sur la distinction entre client averti et non averti et l’importance de caractère non averti de l’emprunteur dans le respect du devoir de mise en garde du banquier. L’interprétation de ce critère et son appréciation semble faire ainsi l’objet d’une jurisprudence constante. (Cass. Ch. Com. 27 mars 2019, n° 18-10.592)
Que faire en cas d’inexécution du devoir de mise en garde ?
L’emprunteur qui souhaite engager la responsabilité du prêteur pour inexécution du devoir de mise en garde doit établir la réunion des conditions comme le dispose l’article 1315 du Code civil. Il en ressort que « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ». Réciproquement, « celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qu’i a produit l’extinction de son obligation ». Afin d’engager la responsabilité du banquier, il faut impérativement prouver une faute imputable à ce dernier, un préjudice et un lien de causalité entre ces deux derniers éléments, il s’agit du principe de la responsabilité civile.