L’obligation de mise en garde du banquier prêteur : zoom sur une conception jurisprudentielle

L’obligation de mise en garde du banquier prêteur : zoom sur une conception jurisprudentielle

La souscription d’un prêt auprès d’une banque nous permet de concrétiser nos projets mais encore faut-il pouvoir rembourser le crédit. Si le nombre de demande de dépôt de dossier de surendettement semble avoir connu une baisse au cours de ces dernières années, le nombre de contentieux opposant les banques et leurs clients reste important. En cause, le devoir de mise en garde du banquier à l’égard des emprunteurs. Zoom sur cette conception jurisprudentielle.

Qu’est-ce que le devoir de mise en garde du banquier ?

Alors que la responsabilité du banquier fût un temps minime à l’égard du client dans le cadre de l’octroi d’un crédit, elle a évolué avec le temps au gré des transformations sociales et grâce notamment à la jurisprudence, « parole vivante du droit ».  En effet, une banque n’était auparavant tenue que par le principe de non-ingérence ou de non immixtion qui signifie qu’elle n’a pas à se mêler de la façon dont son client gère ses affaires. Il en ressort qu’une banque n’a pas à se soucier de la façon dont une personne à qui elle a accordé un prêt, gère son investissement.  À ce principe s’ajoutait le devoir de conseil.  Bien qu’il soit assez proche du devoir de mise en garde, le devoir de conseil porte sur l’orientation d’une décision sans chercher à contraindre la banque à décider à la place du client. Pour reprendre les propos de GROUTEL Hubert, le devoir de conseil s’entend comme « une opinion donnée à quelqu’un sur ce qu’il convient qu’il fasse ou ne fasse pas ».

Le devoir de mise en garde est une conception jurisprudentielle consacrée par un arrêt de la Chambre mixte de la Cour de cassation en date du 29 juin 2007. En l’espèce, il s’agissait de savoir si le banquier a commis une faute en omettant de prévenir l’emprunteur sur les risques d’endettement liés à son crédit. Les juges invitent le banquier à alerter des risques découlant de l’endettement et non d’orienter une décision. Le devoir de mise en garde « ne tend pas à inciter directement le client à agir dans un sens, mais se borne à lui présenter en toute objectivité l’opération projetée en lui en soulignant, en plus, les risques susceptibles de se présenter ».

Il ressort de cet arrêt que le banquier commet une faute en manquant à son devoir de mise en garde car il est tenu d’alerter l’emprunteur non averti (profane) en cas de risques d’endettement excessif lors de la souscription d’un contrat de crédit. Cet arrêt de 2007 vient éclaircir deux éléments que sont le devoir de mise en garde et l’emprunteur averti ou non averti.

Concrètement, le devoir de mise en garde implique pour l’emprunteur de vérifier le niveau de connaissance de son client et de s’assurer que le produit qui lui est proposé est adapté à sa capacité de remboursement.

Comment doit se traduire le respect du devoir de mise en garde du banquier prêteur ?

Le devoir jurisprudentiel de mise en garde impose au prêteur un certain nombre d’obligations :

  • Il doit vérifier si le crédit consenti ne présente pas un risque d’endettement excessif pour l’emprunteur. Cela implique de contrôler la capacité financière du client. Le risque d’endettement doit s’apprécier à la vue des revenus de l’emprunteur et de son patrimoine (Cass. com., 27 novembre 2012, n° 11-19.311).
  • Ensuite, en présence d’un tel risque, le banquier doit relever la qualité d’avertie ou de non averti de l’emprunteur. Le banquier devra alors se baser sur la profession de l’intéressé ou son expérience pour déterminer s’il s’agit d’un client averti ou non.
  • Dans le cas où il s’agirait d’un client non averti, l’établissement prêteur devra alerter ce dernier sur ces mêmes risques. En ce sens, il devra l’alerter du risque d’endettement pour qu’il puisse accepter ou refuser l’offre de crédit en parfaite connaissance de cause.

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