Jurisprudence de la cour de cassation : la fin du délai de prescription en matière d’assurance ?

Jurisprudence de la cour de cassation : une fin du délai de prescription en matière d’assurance ?

La Cour de cassation exerce ses missions au travers de plusieurs chambres. La jurisprudence de la cour de cassation en matière de droit des assurances est principalement traité par la 2ème chambre civile. Ainsi, des secteurs juridiques précis sont affectés aux trois premières chambres civiles, tandis que tout ce qui concerne le contentieux des affaires est traité par la chambre commerciale, le droit du travail par le chambre sociale, etc. 

Ainsi, la deuxième chambre civile, pour la partie du rapport annuel de la cour de cassation qui est alloué au droit des assurances, met en avant deux constats, le premier concerne la prescription, le second concerne la synthèse applicable au contentieux de la “perte d’exploitation” sollicité par les professionnels, notamment de la restauration, qui a été prolifique durant et après la période de pandémie de la Covid-19. 

Que rappelle la cour de cassation concernant le délai de prescription ?

Au sein du rapport de l’année passée, la cour de cassation a mis en avant une proposition de réforme pour aligner le délai de prescription prévu par l’article L.114-1 du Code des assurances, actuellement rédigé en ses termes : “Toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance.” avec le délai de prescription prévu par le code civil à l’article 2224. 

Le rapport met en avant que le délai de prescription en vigueur est inadapté compte tenu du fait que la jurisprudence qui en découle est d’une part abondante et se complexifie au fur et à mesure des litiges. Ainsi, la proposition d’allongement du délai permettrait de “lisser” le contentieux et recadrer le litige dans une logique de traitement et non de tentative d’acquisition de la prescription. 

D’autant que toute phase amiable n’est pas admise dans les causes d’interruption de la prescription. Pour rappel, les causes admises sont selon l’article L.114-2 du même code : “La prescription est interrompue par une des causes ordinaires d’interruption de la prescription et par la désignation d’experts à la suite d’un sinistre. L’interruption de la prescription de l’action peut, en outre, résulter de l’envoi d’une lettre recommandée avec demande d’accusé de réception adressée par l’assureur à l’assuré en ce qui concerne l’action en paiement de la prime et par l’assuré à l’assureur en ce qui concerne le règlement de l’indemnité” 

Toutes les “causes ordinaires d’interruption” étant assimilables à des saisines en justice (référé ou non, juge compétent ou non). 

Quel constat tire la cour de cassation du contentieux post-covid de l’assurance perte d’exploitation ?

Sur la base de plusieurs arrêts du 1er décembre 2022 (pourvoi n°21-15.392, pourvoi n°21-19.341, pourvoi n°21-19.342, pourvoi n°21-19.343, publié au Bulletin), la cour de cassation met en avant le fait que de nombreux litiges sur la base d’un contrat d’assurance « multirisque professionnelle » prévoyant la garantie des pertes d’exploitation résultant de la fermeture administrative de leur établissement en raison « d’une maladie contagieuse, d’un meurtre, d’un suicide, d’une épidémie ou d’une intoxication ». En effet, les assurances opposaient la prise en charge du risque covid sur la base du fait que «les pertes d’exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l’objet, sur le même territoire départemental que celui de l’établissement assuré, d’une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique».

De ce contentieux plusieurs principes sont ressortis :

– La clause d’exclusion se trouve soumise à une exigence de clarté, de précision et de certitude en tant qu’elle doit permettre à l’assuré d’identifier sans hésitation et sans que la clause puisse donner lieu à
interprétation les cas dans lesquels il ne sera pas garanti ; (principe imposé par l’article L.113-1 du Code des assurances). 

La Cour de cassation a jugé dans les 4 arrêts précités les solutions suivantes :
– s’agissant du caractère formel de la clause, que celle-ci était claire et dépourvue d’ambiguïté et ne nécessitait pas interprétation, dès lors que « la circonstance particulière de réalisation du risque privant l’assuré du bénéfice de la garantie n’était pas l’épidémie », mais, bien différemment, « la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l’objet d’une mesure de fermeture administrative pour une cause identique ».

Aussi a-t-elle considéré, par voie de conséquence, que la question de savoir si la notion d’épidémie pouvait donner lieu à interprétation était sans incidence sur le caractère clair et précis de la clause puisqu’elle conduisait seulement à comparer les motifs de fermeture administrative figurant dans les décisions administratives de fermeture des établissements concernés.

– s’agissant du caractère limité de l’exclusion, que la clause ne vidait pas la garantie de
sa substance, dès lors qu’après son application, demeuraient dans le champ de la garantie les pertes d’exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à l’une des autres
causes de fermeture administrative prévues au contrat ou survenues dans d’autres circonstances que celles stipulées à la clause d’exclusion.

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