La faute dolosive en droit des assurances
La faute dolosive en droit des assurances
L’assureur est tenu de verser une somme d’argent réparant le préjudice subi en cas de survenance d’un sinistre en contrepartie d’une prime versée périodiquement. Cette responsabilité peut néanmoins être remise en question dans certaines situations, notamment en cas de faute dolosive. Son interprétation fait l’objet d’une évolution constante par la jurisprudence. Les contentieux ne manquent pas et la Cour de cassation est à plusieurs reprises amenée à statuer sur la question comme en témoigne la décision de la deuxième chambre civile en date du 12 octobre 2023 n° 22-13.109.
Faits :
M. propriétaire d’un bateau qui a rompu ses amarres et a été endommagé. Il décide alors d’assigner son assureur aux fins de garantie. Il fait grief à la décision de la Cour d’appel de rejeter sa demande de condamnation de l’assureur au paiement d’une indemnité, outre intérêts, en application de la garantie souscrite, alors « que constitue une faute dolosive excluant la garantie de l’assureur le comportement délibéré de l’assuré qui a rendu inéluctable la réalisation du dommage et fait disparaître le caractère aléatoire du risque garanti ; qu’en se bornant à constater, pour retenir la qualification de faute dolosive, que M. ne pouvait qu’avoir conscience du risque d’échouage de son bateau en laissant celui-ci au mouillage en dépit d’un avis de coup de vent diffusé par la préfecture, quand la seule conscience d’un risque, même grave, ne suffit pas à caractériser l’existence d’une faute dolosive de l’assuré, la cour d’appel a violé les articles L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances et 1134 ancien devenu 1103 du code civil. »
Décision de la Cour de cassation sur la faute dolosive :
Il est clair qu’en l’espèce la Cour de cassation se voit questionnée sur ce qui doit être entendu par « manquement délibéré » et « conscience » de la réalisation inéluctable d’un dommage permettant de caractériser la faute dolosive.
En se basant sur l’article L.113-1 du Code des assurances, la Cour de cassation rappelle que les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police Cet article dispose également que l’assureur n’est pas tenu de prendre en charge les pertes et les dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré. Cette faute s’entend « d’un acte délibéré de l’assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables ». La Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel en rappelant qu’ « en se déterminant comme elle l’a fait, par des motifs impropres à caractériser la conscience qu’avait l’assuré du caractère inéluctable du dommage que subirait son bateau, qui ne se confond pas avec la conscience du risque d’occasionner le dommage, la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ». Cette décision doit s’inscrire en complément d’une précédente décision portant sur la faute dolosive dans laquelle la Cour de cassation a apporté quelques précisions la définition de la faute dolosive. Celle-ci doit, dit la Cour de cassation « faire perdre à l’opération d’assurance son caractère aléatoire », ce qui suppose que l’aléa disparaisse totalement. Au gré des contentieux, la Cour de cassation apporte ainsi une interprétation évolutive sur l’exigence d’une conscience de l’assuré, qui se rapporte « au caractère inéluctable des conséquences dommageables de son acte, et non seulement au risque d’occasionner le dommage ». Cass., 2e Civ, 6 juillet 2023.
Il semble donc que l’interprétation de l’article L.113-1 du Code des assurances ait bien évolué au fil des contentieux. La définition de la faute dolosive donnée par la Cour de cassation s’est affinée pour éviter une acceptation trop large. Cette décision s’inscrit dans la continuité de l’arrêt de la deuxième chambre civile en date du 20 janvier 2022, n° 20-13.245.