La consultation juridique illégale du mandataire d’assuré à la lumière de l’arrêt de la 2e chambre de la Cour d’appel de Nîmes, en date du 7 juillet 2023, n ° 23/00910
La consultation juridique illégale du mandataire d’assuré à la lumière de l’arrêt de la 2e chambre de la Cour d’appel de Nîmes, en date du 7 juillet 2023, n° 23/00910
Un mandataire d’assuré qui assure dans le cadre de son activité un rôle de soutien administratif aux termes d’un mandat de gestion ne peut exercer une activité de consultation juridique sans remplir les conditions exigées par les articles 54 et suivant de la loi du 31 décembre 1971 modifiée par la loi du 31 décembre 1990. En l’espèce, l’Ordre des Avocats y a vu l’exercice d’une activité illégale de consultation juridique qui leur est réservée.
Exposé des faits :
En l’espèce, il est reproché au mandataire d’assuré qui prétend assurer une mission de gestion et procuration pour des victimes désireuses d’obtenir une indemnisation de violer le périmètre du droit en effectuant une appréciation juridique de la situation d’une victime et en prodiguant des conseils juridiques lorsque les propositions de l’assureur ne sont pas acceptées et qu’une voie judiciaire est envisagée. Alors qu’en première instance, le tribunal correctionnel de Marseille reconnaissait que les infractions d’usurpation de titre, diplôme ou qualité, d’escroquerie, d’exercice illégal de la consultation juridique et d’exercice illégal de la profession d’avocat n’étaient pas constituée, la Cour d’appel reproche à l’intimé d’exercer cette activité à titre principal et de façon rémunérée, sans remplir les conditions exigées par les articles 54 et suivants précités, aux regards de nouveaux faits allégués.
La gestion administrative et financière par le mandataire d’assuré
Le mandataire semble prétendre limiter son activité à une simple gestion administrative et financière. Il estime que dans le cadre de son mandat, il reçoit toutes les correspondances et communications et est autorisé d’y répondre en son nom, de prendre les décisions relatives à l’organisation des expertises matérielles et corporelles, de recevoir les offres d’indemnisation, les négocier, les accepter ou les refuses ; de percevoir pour son compte tous les règlements lui revenant par chèques établis au nom du cabinet.
L’activité de consultation juridique
Le mandataire ne se limite pas à une simple gestion administrative ou à une discussion purement technique aboutissant à un calcul automatique d’indemnités ; il apprécie en fonction de la situation personnelle de chacun de ses clients et de facteurs multiples (taux d’incapacité, âge, situation professionnelle et personnelle, recours des tiers payeurs…) l’indemnisation des divers postes de préjudice qui lui apparaît la plus juste en fonction des indemnisations habituellement accordées. La Cour d’appel a estimé qu’il ne saurait être soutenu qu’il n’effectue pas une appréciation juridique de la situation d’une victime et qu’il ne lui prodigue pas des conseils juridiques lorsque les propositions de l’assureur ne sont pas acceptées et qu’une voie judiciaire est envisagée.
En l’espèce, l’illicéité réside dans la violation de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réformes de certaines professions judiciaires et juridiques et notamment les articles 54 et 60. La première dispose entre autres que « nul ne peut directement ou par personne interposée, à titre habituel et rémunéré, donner des consultations juridiques ou rédiger des actes sous seing privés pour autrui s’il n’est pas titulaire d’une licence en droit ou s’il ne justifie, à défaut, d’une compétence juridiques appropriée à la consultation et la rédaction d’actes en matière juridique qu’il est autorisé à pratiquer ». Il est en effet reproché au mandataire ne pas justifier d’une qualification reconnue, ni d’aucune autorisation particulière pour remplir le rôle de conseil qu’il s’est approprié alors que son activité relève du domaine réservé des avocats, ainsi que l’établit une jurisprudence abondante. Le mandataire soutient que la profession d’expert d’assuré est courante et habituelle, ainsi que le permet l’article A 211-11 du code des assurances et le suggèrent certaines compagnies d’assurance dans leur correspondance, et qu’il n’a jamais pour sa part assisté ou conseillé une victime d’un accident de la route au-delà du stade de l’échec du processus d’indemnisation amiable, à partir duquel il adressait systématiquement ses clients à des avocats inscrits au Barreau de Marseille, en ajoutant que les mandats produits excluent clairement toute activité de consultation juridique et ne portent que sur la gestion administrative d’un dossier, en précisant sa qualité et orientant ses clients vers un avocat dans l’hypothèse d’une procédure judiciaire.
Ainsi, la cour d’appel donne raison à l’Ordre des Avocats et condamne le mandataire lui interdisant de se livrer à une activité de consultation juridique et de rédaction d’actes.