Le retrait d’agrément et le sort des primes d’assurance

Le retrait d’agrément et le sort des primes d’assurance

Le sort des primes d’assurance en cours se pose régulièrement lorsqu’une société d’assurance fait l’objet d’un retrait d’agrément et fait souvent l’objet de contentieux. La décision de la Cour de cassation, en date du 21 septembre 2023 est révélatrice de la position de la Cour sur la question. Elle rappelle que les primes échues et non payées avant la décision prononçant le retrait de l’agrément sont dues en totalité à l’entreprise.

Rappel des faits :

Une société (la société A) a souscrit auprès de la société d’assurance un contrat d’assurance automobile pour son activité de transport, à effet au 1er janvier 2012 et reconductible tacitement, prévoyant un paiement de la cotisation annuelle fractionné par trimestre. Les conditions générales précisaient qu’en cas de non-paiement d’une fraction de cotisation, toutes les fractions non encore payées de l’année d’assurance en cours devenaient immédiatement exigibles.

Le 23 août 2016, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a retiré ses agréments à la société d’assurance. Cette décision a été publiée au Journal officiel le 1er septembre 2016. Sur saisine de l’ACPR, un tribunal de grande instance a prononcé le 1er décembre 2016 l’ouverture des opérations de liquidation judiciaire de la société d’assurance et désigné M. en qualité de liquidateur.

À la demande de la société d’assurance agissant par son liquidateur, un juge d’instance a délivré une ordonnance enjoignant à la société A de payer à celle-ci une certaine somme au titre de primes d’assurances impayées, contre laquelle l’assurée a formé opposition.

Monsieur , en qualité de liquidateur de la société d’assurance, fait grief à l’arrêt de la Cour d’appel de mettre à néant l’ordonnance d’injonction de payer et de limiter le montant que la société A a été condamnée à lui payer au titre des cotisations impayées, alors « que selon l’article L. 326-12 du code des assurances, dans sa rédaction applicable au litige, en cas de retrait de l’agrément administratif accordé à une entreprise mentionnée au 2°, et au 3°, de l’article L. 310-1, tous les contrats souscrits par elle cessent de plein droit d’avoir effet le quarantième jour à midi, à compter de la publication au Journal officiel de la décision de l’ACPR prononçant le retrait ; que les primes ou cotisations échues avant la date de la décision de l’ACPR prononçant le retrait d’agrément, et non payées à cette date, sont dues en totalité à l’entreprise, mais elles ne sont définitivement acquises à celle-ci que proportionnellement à la période garantie jusqu’au jour de la résiliation, la restitution se faisant dans la limite de l’actif disponible après la liquidation ; qu’en l’espèce, la société a souscrit auprès de la société d’assurance un contrat d’assurance automobile renouvelable par tacite reconduction dont l’échéance principale était fixée au 1er janvier de chaque année, la cotisation annuelle bénéficiant d’un paiement fractionné par trimestre ; qu’en retenant que l’incapacité pour la société A de satisfaire à son obligation d’assurance à partir de la résiliation de plein droit du contrat intervenue le 10 octobre 2016 rendait sans objet le règlement des primes correspondant à une période postérieure alors que la cotisation annuelle, échue avant la décision de retrait de l’agrément datée du 23 août 2016, était due en totalité à l’entreprise, la cour d’appel a violé l’article précité.

Décision de la Cour de cassation :

La Cour opère un rappel de l’article L. 326-12, alinéa 1er du Code des assurance qui dispose « qu’en cas de dissolution d’une entreprise mentionnée au 2° ou au 3° de l’article L. 310-1 à la suite d’une décision de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution prise en vertu des articles L. 326-1 ou L. 326-2, tous les contrats souscrits par cette entreprise cessent de plein droit d’avoir effet le quarantième jour à midi, à compter de la publication au Journal officiel de la décision de l’Autorité prononçant cette décision. Les primes ou cotisations échues avant la date de cette décision entraînant la dissolution, et non payées à cette date, sont dues en totalité à l’entreprise, mais elles ne sont définitivement acquises à celle-ci qu’au prorata de la durée de la période garantie jusqu’au jour de la résiliation. Les primes ou cotisations venant à échéance entre la date de la décision de l’Autorité entraînant la dissolution et la date de résiliation de plein droit des contrats ne sont dues qu’au prorata de la durée de la période garantie ».

La Cour en déduit que les primes échues avant la décision prononçant le retrait de l’agrément sont dues en totalité à l’entreprise.

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