Assurance : l’action directe du tiers lésé

Assurance : l’action directe du tiers lésé

La personne ayant subi un dommage a la possibilité d’engager une action directe contre l’assureur du responsable, bénéficiant ainsi d’un droit spécifique. Cette démarche diffère du schéma traditionnel où la victime initie une action contre le responsable, qui, à son tour, invoque la garantie de son assureur en responsabilité civile.

Qu’est-ce que l’action directe du tiers lésé ?

L’action directe du tiers lésé est prévue à l’article L. 124-3 du code des assurances et intervient dans le domaine de la responsabilité civile. En droit civil, la responsabilité civile vise à réparer les préjudices causés à autrui. Traditionnellement, seule la personne directement lésée par un acte fautif pouvait engager une action en responsabilité contre le responsable.

Toutefois, dans certains systèmes juridiques, le principe de l’action directe du tiers lésé permet à une personne qui n’est pas directement partie à la relation juridique de demander réparation pour un préjudice qui lui a été causé. En d’autres termes, un tiers qui n’est pas le contractant principal ou la victime directe de la faute peut agir en justice pour obtenir réparation. Ce concept est souvent appliqué dans le contexte des contrats. Prenons un exemple pour illustrer cela : si une personne A conclut un contrat avec une personne B, et que cette personne B cause un préjudice à une personne C qui n’est pas partie au contrat initial, la personne C pourrait avoir le droit d’engager une action directe contre la personne B pour obtenir réparation.

Une récente décision de la Cour de cassation porte sur ce type de cas. La question était alors de savoir si une partie assignée en justice est en droit d’en appeler une autre en garantie des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle.

Rappel des faits

Des travaux de construction d’un bâtiment commercial destiné à de grandes surfaces ont été effectués pour le compte de la SCI et devant être exploité par la société . La société a été chargée de la maîtrise d’œuvre, tandis que la réalisation du lot carrelage a été confiée à la société , assurée par . Cette dernière a sous-traité une partie des travaux à la société , assurée par la société d’assurance .

En raison de problèmes affectant le carrelage, la SCI et la société exploitante ont intenté une action en indemnisation contre les constructeurs et leurs assureurs. La société d’assurance ont appelé la société , assureur du sous-traitant, en intervention forcée pour participer au litige.

La société , assureur du constructeur, conteste la décision de l’arrêt qui a jugé irrecevable leur appel en garantie contre la société , assureur du sous-traitant. Elle soutient que l’assureur de responsabilité d’un entrepreneur a le droit d’appeler en garantie l’assureur de son sous-traitant, co-responsable des dommages causés à la victime, sans avoir à citer cet assuré dans la procédure. En rejetant l’appel en garantie de la société dirigé contre la société d’assurance , au motif que ces derniers avaient omis de mettre en cause la société , sous-traitante à qui la société avait confié la réalisation du lot carrelage, la cour d’appel aurait ainsi enfreint l’article L. 124-3 du Code des assurances.

Décision de la Cour de cassation

Dans sa décision, la Cour rappelle les dispositions des articles L. 124-3 du Code des assurances et 334 du Code de procédure civile. Selon le premier texte, le tiers lésé bénéficie du droit d’exercer une action directe à l’encontre de l’assureur couvrant la responsabilité civile de la personne responsable. Quant à l’article 334 du Code de procédure civile, il dispose qu’une partie assignée en justice a le droit de solliciter la mise en cause d’un tiers en garantie des éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées contre elle.

La Cour de cassation casse la décision de la cour d’appel en estimant que la recevabilité de l’action en garantie d’un responsable à l’encontre de l’assureur de responsabilité d’un autre responsable ne dépend pas de la mise en cause préalable de son assuré.

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