La charge de la preuve au regard de l’arrêt de la Cour de cassation en date du 21 septembre 2023 / n° 21-16.986

La charge de la preuve au regard de l’arrêt de la Cour de cassation en date du 21 septembre 2023 / n° 21-16.986

La charge de la preuve pèse-t-elle sur les parties ou le juge ? C’est sans doute une des questions à se poser pour mesurer la portée de l’arrêt de la Cour de cassation en date du 21 septembre 2023. La charge de la preuve de l’accomplissement par un assureur des obligations légales d’information pèse sur celui-ci.

Les faits :

Monsieur Y (l’assuré) a souscrit, par l’intermédiaire d’un courtier, un contrat d’assurance sur la vie à capital variable dénommé « V », auprès de la société A devenue Société AB (l’assureur). L’assuré reprochant à son assureur un manquement à son obligation précontractuelle d’information, l’a assigné devant le tribunal de grande instance, afin, notamment, d’exercer sa faculté de renonciation prorogée et d’obtenir le remboursement des primes versées sur ce contrat. La cour d’appel condamne l’assureur à verser la somme de 55.500 € avec intérêts aux taux légaux majorés de moitié ainsi qu’une somme de 3000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. L’assureur se pourvoit en cassation.

Sur la faculté de renonciation

En droit de la consommation, des obligations précontractuelles sont prévues pour assurer la protection du consommateur. Tel est le cas de l’obligation d’information qui pèse sur un professionnel. Dans un souci de protéger le consommateur, ce dernier se voit reconnaître un droit de renonciation. Il s’agit de la possibilité pour un consommateur de renoncer à l’achat d’un produit ou d’un service. L’article L.112-9 du Code des assurances dispose que : « toute personne physique qui fait l’objet d’un démarchage à son domicile, à sa résidence ou à son lieu de travail, même à sa demande, et qui signe dans ce cadre une proposition d’assurance ou un contrat à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale ou professionnelle, a la faculté de renoncer par lettre recommandée avec demande d’avis de réception pendant le délai de 14 jours calendaires révolus à compter du jour de la conclusion, sans avoir à justifier de motifs ni à supporter de pénalités ». En outre, l’exercice de la faculté de renonciation est également prévu à l’article L.132-5-2 du Code des assurances. Cet article dispose que la proposition ou le contrat d’assurance ou de capitalisation doit comprendre entre autres, « un modèle de rédaction destiné à faciliter l’exercice de la faculté de renonciation ».

Or, il arrive souvent que ce point fasse l’objet d’un litige entre l’assuré et l’assureur. En l’espèce, la bonne foi de l’assuré est remise en cause par l’assuré en appel. En ce sens, il reproche à la Cour d’appel de ne pas avoir recherché au regard de la situation concrète de l’assuré, de sa qualité d’assuré averti ou profane et des informations dont celui-ci disposait réellement à la date à laquelle il a prétendu renoncer à son contrat, quelle était la finalité de l’exercice de son droit de renonciation et s’il n’en résultait un abus de droit. La Cour de cassation retient un manquement à l’obligation d’information précontractuelle de la part de l’assureur qui a remis une note d’informations non distinctes des conditions générales et sans indication sur l’existence d’une participation aux bénéfices.  

Sur la charge de la preuve 

Au titre de l’article 9 du Code de procédure civile, « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ». Une autre disposition du Code Civil (article 1353) précise que “celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qu’i a produit l’extinction de son obligation”.  La Cour de cassation rejette le pouvoir de l’assureur en retenant que le fait que l’assuré ait été assisté d’un courtier est indifférent et que, ni le nombre d’années écoulées entre la souscription et l’exercice de la faculté de renoncer, ni le seul constat de ce que la renonciation ait été exercée après la perte d’une partie du capital ne sauraient établir la mauvaise foi du souscripteur, dont la preuve appartient à l’assureur.

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