La responsabilité de l’expert technique missionné par l’assureur

La responsabilité de l’expert technique missionné par l’assureur

Lorsqu’un expert technique est missionné par un assureur, l’évaluation de sa responsabilité en cas de faute est tributaire de la nature spécifique des tâches qui lui sont confiées. Cette approche se révèle indispensable étant donné que les missions des experts peuvent varier en fonction des circonstances et des besoins de l’assureur. C’est là toute la portée d’une récente décision de la Cour de cassation (15 février 2024, n° 22-12.365). En effet, la nature des missions assignées à l’expert définit le cadre d’analyse de sa responsabilité en cas de défaillance. Cette démarche permet d’ajuster l’examen de sa responsabilité en fonction des particularités de son rôle et des prestations qu’il est tenu de fournir pour le compte de l’assureur.

Rappel des faits

Le Couple ont confié la réalisation des travaux de charpente de leur maison à Monsieur , entrepreneur. La toiture et une partie de la charpente ayant été arrachées lors d’une tempête, ils ont déclaré le sinistre à leur assureur, la société , qui a confié une mission d’expertise à un cabinet spécialisé (société ).

Se plaignant de désordres et de la détérioration de leur maison, ils ont, après expertise judiciaire, assigné la société , l’entrepreneur M. et le cabinet en garantie et indemnisation de leurs préjudices.

Le cabinet fait grief à l’arrêt de la cour d’appel de le condamner, in solidum avec la société , à payer au couple certaines sommes au titre de l’aggravation du sinistre, de l’actualisation des préjudices de logement et de garde-meubles, et de le condamner, in solidum avec la société et M. , à régler aux mêmes une certaine somme en réparation de leur préjudice moral, alors « qu’il ne peut être reproché à l’expert d’assurance même lié par un contrat de louage d’ouvrage, de se cantonner à la mission qui lui a été confiée par son donneur d’ordre ; qu’en ayant jugé que le cabinet avait engagé sa responsabilité à l’égard des époux , en refusant de donner son accord à la réalisation des travaux préconisés dans le devis Le Bras, sans rechercher si un tel accord rentrait dans le cadre de la mission donnée à l’expert amiable, chargé de donner un avis sur les travaux réparatoires, quand la société  avait refusé de se prononcer sur le principe de sa garantie et avait fini par la décliner en avril 2018, la cour d’appel a violé les articles 1240 et 1787 du code civil. »

Pour retenir la responsabilité délictuelle du cabinet  à l’égard du couple , la Cour d’appel retient qu’en faisant preuve d’inertie dans l’instruction du dossier, en refusant de valider le devis des travaux de reprise de la charpente et en empêchant ainsi la réalisation des travaux permettant de faire cesser les infiltrations à l’intérieur de la maison, celui-ci a commis une faute ayant contribué à l’aggravation du sinistre.

Décision de la Cour de cassation

La Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel. En statuant ainsi, sans déterminer si l’assureur avait chargé l’expert amiable de donner son accord à la réalisation des travaux de reprise, alors qu’il ressortait de ses propres constatations que l’assureur n’avait pas réagi à la réception du premier rapport de l’expert amiable relatant les vaines démarches des assurés pour empêcher les infiltrations et qu’il ne lui avait pas donné, à la date de son second rapport, sa position sur le principe de sa garantie, la cour d’appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser une faute de l’expert amiable dans l’exercice de sa mission à l’origine de l’aggravation du sinistre, a violé l’article 1240 du Code civil.

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