La réticence intentionnelle de l’assuré au regard de la décision de la Cour de cassation

La réticence intentionnelle de l’assuré au regard de la décision de la Cour de cassation


La nullité d’un contrat d’assurance pour réticence ou fausse déclaration intentionnelle de l’assuré, prévue par l’article L. 113-8 du code des assurances, n’est pas aisée à obtenir. Habituellement, l’assureur doit prouver plusieurs éléments de manière successive : la clarté des questions posées à l’assuré, l’erreur des réponses données par celui-ci, l’intentionnalité de la fausse déclaration initiale ou de la réticence vis-à-vis d’une modification ultérieure, et enfin, l’impact de ces éléments sur l’opinion de l’assureur. La décision de la Cour de cassation en date du 15 février 2024 (n° 22-16.431) semble clarifier la notion de réticence intentionnelle en la distinguant de l’aggravation du risque.

Rappel des faits


Le couple , propriétaire de locaux au bord de la Seine composés d’un bâtiment à usage de restaurant et d’un autre destiné au logement du personnel, a cédé leur fonds de commerce à la société . Ils ont également conclu avec celle-ci un bail commercial portant sur les deux bâtiments. Quelques années plus tard, un incendie a gravement endommagé les lieux loués, entraînant la résiliation de plein droit du bail commercial. Les bailleurs ont alors décidé d’intenter une action en justice pour obtenir l’indemnisation de leurs préjudices auprès de leur assureur, de la société et de son assureur.

Pour annuler le contrat d’assurance pour réticence intentionnelle de la société , assurée, la Cour d’appel a retenu que celle-ci avait omis de déclarer l’aggravation du risque en cours de contrat résultant de l’inoccupation permanente des locaux assurés, qui ne faisaient plus l’objet de travaux, étaient laissés à l’abandon et faisaient l’objet d’intrusions illicites et de dégradations commises par des squatters, situation qu’elle ne pouvait ignorer.

Le couple a soutenu que l’assuré n’a l’obligation de déclarer, en cours de contrat, les circonstances nouvelles ayant pour conséquence d’aggraver les risques ou d’en créer de nouveaux que lorsqu’elles rendent, de ce fait, inexactes ou caduques les réponses faites, lors de la conclusion du contrat, aux questions posées par l’assureur. Pour déduire la réticence intentionnelle de la société , assurée, la cour d’appel a relevé qu’à la date du sinistre et pendant la période précédant immédiatement celui-ci, les locaux ne faisaient plus l’objet de travaux et étaient inoccupés de façon permanente. La cour d’appel a ajouté que la société ne pouvait prétendre ignorer cette situation et qu’elle a, en connaissance de cause, manqué à son obligation de déclarer les circonstances nouvelles qui ont pour conséquence soit d’aggraver les risques, soit d’en créer de nouveaux, alors qu’elle ne pouvait ignorer les intrusions illicites et les dégradations commises dans le bâtiment du restaurant, ni nier que celui-ci avait été laissé en dépérissement au cours du contrat alors qu’elle en avait la responsabilité.

Réponse de la Cour de cassation


La Cour fait référence aux articles L. 113-2, 3, L. 112-3 et L. 113-8 du Code des assurances. Le premier dispose que l’assuré est tenu de déclarer, en cours de contrat, toute circonstance nouvelle susceptible d’aggraver les risques ou d’en créer de nouveaux, rendant ainsi caduques ou inexactes les réponses antérieures fournies aux questions posées par l’assureur, notamment celles mentionnées dans le formulaire prévu à cet effet.

Les articles L. 112-3 et L. 113-8 du Code des assurances établissent que l’assureur ne peut invoquer la réticence intentionnelle ou la fausse déclaration intentionnelle de l’assuré que si celles-ci découlent des réponses fournies par l’assuré à ces questions, ou si elles émanent de sa seule initiative. En ne constatant pas que lors de la conclusion du contrat, l’assureur de la société avait questionné l’assurée sur l’occupation des lieux loués, la cour d’appel a été jugée avoir manqué de base légale pour justifier sa décision.

Il ressort de cette décision que l’obtention de la nullité d’un contrat d’assurance reste complexe et dissuade fortement les assureurs à privilégier cette option.

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